Un train bondé, une hésitation. Entrera ou n’entrera pas ? Je ne veux pas attendre le dépeuplement du quai. Malgré l’appréhension, je prends mon inspiration et je plonge dans cette vague humaine. Tout un agglomérat d’êtres…
On se frôle, on se pousse, on s’écrase, on s’impose. On tente tous d’avoir une place quelque part. Je cherche un siège libre du regard mais faut pas rêver. Je reste debout, bien cramponnée à une barre.
Dans cette promiscuité, les voix se délient rarement. Les souffles sont sentis, ressentis sur des parcelles de peaux mises à nu, ils crient comme du vent derrière chacun de nous. Les corps éructent bien assez de bruits pour que des voix ne viennent encore bourdonner à nos oreilles…
– Tu vas pas encore me casser les couilles ?
Une déchirure. Du plomb dans le silence. Je cherche la source de cette insulte et je la vois. « L’adulte », « la mère » debout, le regard jeté sur sa fille, assise, fragile.
– T’en veux une ?
Mon cœur prend la gifle qui reste pourtant en suspens, il enrage doucement, en silence. Mes poings serrés tente de le retenir. Malheureusement, ils y arrivent. J’essaie de perdre mon regard ailleurs.
– Maman ? Ca marche pas…, la fillette tend un téléphone
– Qu’est-ce qui y’a ? Tu me soûles, tu sais que tu me soûles ?
Je meurs d’envie de crier. D’ouvrir ma gueule pour qu’elle ferme la sienne. Mais de quoi je me mêle, hein ? C’est bien ça qu’elle me lancerait ! Tout mon corps bout.
– Qu’est-ce que tu veux dans la valise ? Tu réponds pas, hein ? T’as raison ferme-la…
Aucun son ne sort de moi, mes dents pourraient se briser sous la crispation, j’étouffe. J’étouffe. J’ai mal. Mes yeux s’embuent, je les détourne. Bientôt un arrêt, une femme se lève, je prends sa place. Le siège est dos à la scène, j’en profite pour devenir sourde.
Mais j’ai toujours mal au cœur.
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